VENGEANCE ET GRAND PRIX

Cinquante ans de carrière, plus de cent albums, un talent fou, et pas de grand prix à Angoulême... Du moins jusqu'à cette année ! Une semaine après la parution de Old Pa Anderson (Editions Le Lombard), Hermann est enfin couronné. Il aurait pu accueillir cette distinction comme une revanche. Mais sa dernière BD a beau être le récit d'une terrible vengeance, Hermann n'est pas du genre à cultiver la rancœur. Ne se revendique-t-il pas artisan, laissant à d'autres leurs prétentions à l'Art ? Pourtant, quel artiste ! Adepte depuis de longues années déjà de la couleur directe, il alterne avec une maîtrise consommée séquences nocturnes et panoramas diurnes, jouant à merveille des contrastes. D'abord au service de Greg, pour la série Comanche, puis à celui de ses propres histoires (Jeremiah, Les tours de Bois-Maury...), son dessin s'est ensuite offert aux scénarios de son fils, Yves H. Longtemps pour le pire, avec des récits abscons aux relents ésotériques indigestes (Manhattan beach, Dracula, Le diable des sept mers...).

Mais leurs dernières livraisons sont d'un autre calibre. Sans pardon, publié il y a moins d'un an (cf. chronique du 20 avril 2015), western âpre et crépusculaire, était remarquable de puissance et de sobriété. Dans un tout autre registre, Old Pa Anderson confirme la capacité de la bande dessinée à produire des chefs-d'œuvre dignes de ceux du 7ème art. En matière de dénonciation du racisme, la dernière BD d'Herman père et fils n'a rien à envier à La couleur pourpre ou à Mississipi burning. Ce n'est pas pour rien qu'Hermann père préfère au terme de "bande dessinée" celui de "cinéma dessiné" !