POULBOTS
Patrick Prugne a un sacré talent. Sa trilogie des grandes plaines de l'ouest américain (Canoë Bay, Frenchman, Pawnee, aux éditions Maghen) est un régal graphique. Ses aquarelles sublimes y défilent, emplies d'immensités aux subtiles nuances des verts de prairies sans fin, des bleus d'un ciel sans limites ou des roux incendiaires d'automnes en forêt. Tout autres sont ses Poulbots (Editions Margot).
Adieux grands espaces et nature sauvage, place au Montmartre du début du XXème siècle. L'histoire de Prugne a pour toile de fond la misère et le dénuement des populations les plus déshéritées du Paris d'alors. Enfants abandonnés battant le pavé le ventre creux, familles entières sans toit ni travail, survivant à grand-peine en pleine "Belle époque"... Mais là, problème. Où sont les taudis, la misère, la crasse ? Où sont la colère et la violence qu'engendrent pauvreté et famine ? Oh ! Prugne ne les oublie pas, ne les néglige pas non plus. Non. Simplement, son talent est tel qu'il les magnifie, sans le vouloir, sans doute même sans le percevoir. Ses aquarelles sont tellement belles, ses décors tellement léchés, qu'ils en estompent souffrance et désespoir. C'est d'autant plus dommage que les croquis qui complètent l'album, aux décors souvent à peine esquissés, durcissent plus efficacement l'ambiance du "vrai" Montmartre d'alors. Les Poulbots ont trop à perdre à être magnifiés.Volontairement ou non.